Boris Cyrulnik

« Il semble exister un langage universel entre toutes les espèces, une sorte de bande passante sensorielle qui nous associe aux bêtes. »
« Le jour où l'on comprendra qu'une pensée sans langage existe chez les animaux, nous mourrons de honte de les avoir enfermés dans des zoos et de les avoir humiliés par nos rires. »

Biographie

Article Nouvelles Clés

L'ensorcellement du monde

Qu'est-ce que l'éthologie humaine?

Livres écrits par B.Cyrulnik

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Biographie

Boris Cyrulnik est l'un des pionniers de l'éthologie française. Il est aussi neuropsychiatre, psychanalyste, psychologue, auteur de nombreux ouvrages. Ancien maître-nageur et rugbyman, voyageur infatigable et poète, il fait partie de ces hommes qu'une enfance instable et sans famille n'ont pas rendu amer mais au contraire curieux de l'univers du vivant. De ce manque d'identité et de références, il a fait un tremplin qui l'a obligé, pour survivre, à se poser des questions constructives sur la nature humaine et à se chercher dans toutes sortes de milieux sociaux. C'est ainsi qu'il s'est construit ce qu'il appelle un "père synthétique fait de rugby, de science, de débrouillardise et de pamphlet politique", dont chaque morceau lui a apporté une vision différente de l'homme. A la fin de la Seconde Guerre mondiale, Boris Cyrulnik est âgé de sept ans. Un soir à Bordeaux, à l'heure de la Libération, il est par hasard le témoin impuissant de l'assassinat d'un milicien par les libérateurs. Etrange : ceux-ci tiennent le même langage que les occupants de la veille, justifiant leur crime au nom d'une vérité qu'ils disent cohérente. Que se cache-t-il donc derrière les belles paroles des hommes ? Première attitude éthologique. Une envie puissante de décoder le monde qu'il habite envahit Boris Cyrulnik. A douze ans, il se promène avec un livre de psychologie animale dans la poche, s'émerveille devant l'organisation d'une fourmilière, s'intéresse aux naturalistes et se frotte aux adultes qui remettent en cause les croyances antérieures, dénoncent les frontières entre les disciplines scientifiques. Sous l'impulsion de son ami Hubert Montagné, aujourd'hui psycho-physio-éthologue, il découvre dans les années soixante, au terme de ses études de médecine, une toute nouvelle discipline, considérée alors comme scandaleuse : l'éthologie humaine. En plein questionnement, préférant à l'analyse la synthèse, il se lance dans cette science novatrice en complément de la psychiatrie, de la psychologie sociale, de la clinique, rejetant avec force l'idée de se spécialiser. Pour lui, le mélange des genres, l'approche conjointe du corps et de l'esprit, de la parole et de la molécule, de l'homme et de l'animal est un parcours indispensable pour mener à une compréhension globale de la dimension humaine. Une démarche d'homme libre. Une fois sur cette piste, il ne s'arrète plus, accumule une foule de documents, travaille sur la biologie de l'affect, le pouvoir du langage, les signes du corps, applique à l'homme des méthodes d'études réservées jusqu'ici au milieu animal - ce qui lui vaut immédiatement de solides ennemis chez ses confrères psychanalystes et neurobiologistes -, parcourt le monde et créé un groupe transdisciplinaire de recherche en éthologie clinique à l'hôpital de Toulon-La-Seyne. Objectif : étudier le développement humain, la complexité des systèmes relationnels, l'influence du verbe, de l'inconscient et des signes de communication non verbaux sur la biologie et la construction psychologique d'un individu. Très vaste programme, qu'il embrasse pourtant avec aisance, humour, générosité.

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Entretien pour Nouvelles Clés

Karine Lou Matignon : Cet entretien pourrait partir de notre alliance avec le chien. Les éthologues cliniciens et les vétérinaires ont fait le constat que la pensée du propriétaire pouvait façonner le comportement et le développement biologique du chien. Certaines personnes attendent, par exemple, de leur chien qu'ils défendent la maison. Ils développent une peur relative de l'environnement qui va être perceptible par l'animal. Face à cette émotion enregistrée par différents canaux, le chien va alors adopter une attitude menaçante que les propriétaires vont analyser comme un comportement de défense de la maison.

Boris Cyrulnik : Ce n'est pas de la transmission de pensée, je dirais que c'est de la matérialisation de pensée. Dans certaines pathologies comme les maladies maniaco-dépressives, où les gens sont tantôt euphoriques tantôt mélancoliques, jusqu'à se sentir responsables de toutes les plaies du monde, on voit que le chien s'adapte impeccablement à l'humeur du propriétaire. Quand le propriétaire est gai, il va se mettre à aboyer, gambader, quand il est triste, le chien ne bouge pas, il se met à trembler. J'avais un patient qui faisait des bouffées délirantes à répétition. Selon l'accueil que me faisait son chien, je savais dans quel état il se trouvait où allait se trouver.

Le chien qui vit dans un monde de sympathie est hypersensible au moindre indice émis par le corps du propriétaire adoré. C'est donc bien une matérialisation de la pensée humaine transmise au chien qui façonne ce dernier. Les vétérinaires avec lesquels je travaille montrent, chez des chiens, des troubles d'hypertension, de diabète, d'ulcères hémorragiques gastriques, des dermatoses suppurantes... de graves maladies dont le point de départ se situe dans la pensée du propriétaire.

On rencontre souvent le cas d'un chien choisi pour remplacer le chien précédent décédé. De même couleur, de même race, on lui attribue la même place à la maison, parfois un nom identique. Que se passe- t-il ? L'animal souffre de la comparaison affective de son propriétaire avec le disparu au point d'en tomber malade. Comment peut-il en effet se sentir valorisé ? Quoi qu'il fasse, il est moins beau que l'absent, moins performant, sans cesse comparé au disparu idéalisé. Il est bien connu que seuls les morts ne commettent aucune faute. L'histoire du propriétaire et la représentation mentale qu'il a de son chien transmet à l'animal des signaux contradictoires, incohérents. Il devient impossible pour lui de trouver et d'utiliser un code clair de comportement avec son maître. Ces émotions vont fabriquer des troubles métaboliques et, à long terme, des maladies organiques ou des comportements altérés. Un symptôme est une proposition de communication. Le chien se lèche la patte jusqu'au sang, se réfugie derrière un meuble, présente des troubles sphinctériens, des gastrites, une hypervigilance avec tremblements, etc. La guérison du chien passe pas une restructuration de l'imaginaire du propriétaire qui doit faire le deuil du premier chien et envisager le second comme un être différent.

Pour mener un raisonnement comme celui-là, il ne faut pas être un neurobiologiste ou un psychanalyste, il faut être transversal. Il faut être capable de parler avec un propriétaire, un vétérinaire de se donner une formation de psychiatre et de psychologue et de pouvoir communiquer avec un chien. Faire se rencontrer un psychologue et un vétérinaire, il fallait oser !

Ce que l'animal domestique dit de son maître

K. L. M. : Vidons d'emblée le sac de l'éthologie : étudier l'animal permet-il de mieux comprendre la génétique du comportement de l'homme ?

B. C. : C'est exactement ça. Le fait d'étudier la phylogenèse, qui est la comparaison entre les espèces, permet de mieux comprendre l'ontogenèse et la place de l'homme. On comprend mieux aussi la fonction et l'importance de la parole dans le monde humain. Il existe une première gestualité universelle, fondée sur le biologique, proche de l'animalité.

Dès que le langage apparaît, une deuxième gestualité imprégnée de modèles culturels prend place. Là, la première gestuelle s'enfouit, les sécrétions d'hormones dans le cerveau changent. Donc, on comprend mieux comment le langage se prépare, comment le choix des mots pour raconter un fait révèle l'interprétation qu'on peut en faire, comment la parole peut changer la biologie en changeant les émotions.

K.L.M. : L'éthologie est une démarche naturaliste. Quel genre de naturalisme ?

B.C. : Rien à voir avec le naturalisme de Jean- Jacques Rousseau. C'est une démarche naturaliste parce qu'elle appréhende l'homme dans sa globalité, dans son environnement.

Les vétérinaires avec qui je travaille font des observations naturalistes, c'est-à-dire là où notre culture les fait travailler, parce que la condition naturelle de l'homme, c'est sa culture. Ils demandent l'autorisation aux clients de mettre une caméra pendant la consultation et là, on voit des choses étonnantes. Par exemple, un couple amène un chien malade en consultation. Quand le vétérinaire pose une question, l'homme et la femme rentrent en compétition parce que chacun veut parler, le ton monte et le chien se met à gémir, ça finit par devenir une cacophonie. Le chien aboie, la femme parle plus fort que l'homme, le vétérinaire regarde la femme, lui donne donc la parole, l'homme furieux se tourne alors vers le chien et lui ordonne bruyamment de se taire. Il fait taire le chien parce qu'il ne peut pas faire taire sa femme.

Dans ce cas, le chien est devenu le symptôme de la compétition relationnelle existant

dans le couple.

« Il semble exister un langage universel entre toutes les espèces, une sorte de bande passante sensorielle qui nous associe aux bêtes. »

K.L.M. : Le comportement du chien révèle donc sans coup férir le soi intime de ses propriétaires ?

B. C. : Cela va encore plus loin. Dans l'acte même de choisir son chien, il y a révélation de soi. Le chien élu devient un délégué narcissique. J'opte pour ce chien parce qu'il est rustique, sportif ou de caractère solitaire ou combatif revient à dire : j'aime qu'il me ressemble ou j'aime ce qui est rustique, sportif... La mode des chiens miniatures ou molossoides sont aussi des symptômes de notre culture, ils font office de discours social. On préfère aujourd'hui la puissance des animaux à la vulnérabilité des petits que portaient autrefois les femmes entretenues et assistées. De la même façon, des lévriers racés ne se développeront pas dans les mêmes milieux que les bergers allemands ou les setters. L'amateur d'afghan est plutôt silencieux, solitaire, intellectuel, alors que celui qui montre une préférence pour le boxer aime bavarder, faire du sport, s'agiter.

K.L.M. : Nos odeurs, regards, gestes et paroles parlent aux animaux ?

B. C. : Lorsqu'un bébé humain pleure, cela nous trouble profondément. Si l'on enregistre ces cris et qu'on les fait écouter à des animaux domestiques, on assiste à des réactions intéressantes : les chiennes gémissent aussitôt, couchent leurs oreilles. Elles manifestent des comportements d'inquiétude, orientés vers le magnétophone. Les chattes, elles, se dressent, explorent la pièce et poussent des miaulements d'appel en se dirigeant alternativement vers la source sonore et les humains. Il semble exister un langage universel entre toutes les espèces, une sorte de bande passante sensorielle qui nous associe aux bêtes. Dès qu'il s'agit de captiver l'animal, le sens du toucher devient aussi un instrument efficace. Chez l'homme, le toucher est un canal de communication très charpenté parce que c'est le premier à entrer en fonction, dès la septième semaine de la vie utérine. Cela dit, l'absence de toucher et au contraire l'approche neutre donne aussi des résultats. Il y a quelques années, j'ai amené des enfants dans l'enclos des biches du parc zoologique de Toulon. Parmi eux, des psychotiques. A notre grande surprise, nous avons vu une petite fille trisomique, élevée en milieu psychiatrique, se serrer contre une biche, qui l'avait laissée venir à elle sans bouger le moins du monde.

La même biche sursautait lorsqu'elle approchait un enfant non handicapé, en s'enfuyant à vive allure, dès qu'il se retrouvait à trois mètres d'elle. Nous avons filmé et analysé ces séquences. Les enfants psychotiques, perdus en eux-mêmes, évitent le regard, marchent de côté et doucement. Les autres enfants regardent les animaux en face, sourient et montrent les dents, ils lèvent la main pour caresser l'animal et se précipitent vers lui. Autant d'actions interprétées comme des agressions.

L'animal nous enseigne l'origine de nos comportements

K.L.M. : Selon vous, les animaux nous obligent-ils à remettre en cause beaucoup de nos certitudes ?

B. C. : Première certitude à abandonner : les animaux ne sont pas des machines. J'insiste beaucoup là-dessus : le jour où l'on comprendra qu'une pensée sans langage existe chez les animaux, nous mourrons de honte de les avoir enfermés dans des zoos et de les avoir humiliés par nos rires. Nous avons peut-être une âme, mais le fait d'habiter le monde du sens et des mots ne nous empêche pas d'habiter le monde des sens. Il faut habiter les deux si l'on veut être un être humain à part entière. Il n'y a pas l'âme d'un côté et de l'autre la machine. C'est là tout le problème de la coupure. Il y a aussi la représentation qu'on se fait de l'animal et qui lui donne un statut particulier, et cela explique un grand nombre de nos comportements. Les chats ont été divinisés dans la Haute-Egypte et satanisés au Moyen âge chrétien.

Les feux de la Saint-Jean sont issus de la diabolisation des chats. On avait rapporté les chats des croisades, ils représentaient les Arabes, alors on les brulait.

Considérant le chien comme un outil, si le chien est cassé, on le jette. Quand j'ai fait mes études de médecine, on nous apprenait que l'animal ne souffrait pas et on nous faisait faire des opérations sans anesthésie. L'animal criait, et lorsqu'on s'élevait contre ça, on nous répondait qu'il s'agissait d'un réflexe ! Le bénéfice de l'esprit cartésien, c'est l'analyse, qui nous a donné le pouvoir. Le maléfice du cartésianisme, c'est aussi l'analyse : on a coupé l'homme de la nature, on a fait des animaux des choses, on a dit qu'un animal ne possédant pas l'organe de la parole ne souffrait pas, et là-dessus, on en a déduit qu'un aphasique n'était pas un humain, qu'un enfant qui ne parlait pas ne devait pas non plus éprouver de douleur.

Les animaux ne sont pas des machines, ils vivent dans un monde d'émotions, de représentations sensorielles, sont capables d'affection et de souffrances, mais ce ne sont pas pour autant des hommes. Le paradoxe, c'est qu'ils nous enseignent l'origine de nos propres comportements, l'animalité qui reste en nous... En observant les animaux, j'ai compris à quel point le langage, la symbolique, le social nous permettent de fonctionner ensemble. Pourtant, je constate à quel point nous avons encore honte de nos origines animales. Lorsque j'ai commencé l'éthologie humaine, on me conseillait de publier mes travaux sans faire référence à l'éthologie animale. La même chose m'est arrivée encore récemment. Choisir entre l'homme et l'animal, entre celui qui parle et celui qui ne parle pas, celui qui a une âme et celui qui n'en possède pas, celui qu'on peut baptiser et celui que l'on peut cuisiner. A cette métaphore tragique, qui a permis l'esclavage et l'extermination de peuples entiers, a succédé l'avatar de la hiérarchie, où l'homme au sommet de l'échelle du vivant se permet de détruire, de manger ou d'exclure de la planète les autres terriens, animaux et humains, dont la présence l'indispose. La violence qui me heurte le plus vient justement de la non-représentation du monde des autres, du manque d'ouverture, de tolérance, de curiosité de l'autre.

K.L.M. : Un monde de sangsue n'est pas un monde de chien...

B.C. : Lequel n'est pas un monde humain. Plus on cherche à découvrir l'autre, à comprendre son univers, plus on le considère. Dès l'instant où l'on ne tente pas cette aventure, on peut commettre des actes de violence sans en avoir conscience. Mais la violence se déguise sous de multiples formes, et nos désaccords à son sujet viennent très souvent de définitions non communicables, parce qu'il existe d'énormes différences de point de vue.

A lire Le dernier livre de Boris Cyrulnik : Les vilains petits canards. éd. Odile Jacob

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L'ensorcellement du monde

Une approche naturaliste nous permet de comprendre que l'alentour de l'agneau est composé d'un énorme objet saillant qui le captive pour son plus grand bonheur (sa mère, ou un leurre). Le simple fait de côtoyer une telle structure sensorielle modifie tous les métabolismes hépatiques, intestinaux et cardiaques, et baigne son cerveau dans un flot d'endorphines. Il suffit que le petit perçoive dans son monde un leurre maternel pour que sa physiologie fonctionne au mieux. Cette saillance perçue (mouche voletante pour un crapaud, structure vocale et odorante pour un agneau) crée des impressions plus ou moins euphoriques dans le monde mental du petit, ce qui explique qu'un enfant de mère dominante, par son bien-être, devienne à son tour dominant. Alors qu'un petit de mère malade ou dominée se sentira moins euphorique et exprimera moins de combativité ou d'élan vers les autres. Ces exemples courants montrent que la biologie de l'homme seul est vraiment le produit de l'illusion individualiste du XIX° siècle. On ne peut qu'ÊTRE AVEC, et la souffrance de l'autre nous altère... quand on la perçoit.


L'homme lobotomisé demeure immobile, alors qu'il a tout pour marcher. Il n'enchaîne pas deux mots, alors qu'il a tout pour parler. Il vit assis, immuable, sans passé, sans projet, sans angoisse, sans ennui, et pourtant personne ne parle de bonheur. La clinique des lobotomies nous conduit à un douloureux paradoxe de la condition humaine: sans angoisse et sans souffrance, l'existence perdrait son goût.



Ceux qui prétendent organiser une culture sécuritaire qui détruirait l'angoisse et nous offrirait des distractions incessantes pour lutter contre l'ennui nous proposent-ils autre chose qu'une lobotomie culturelle? Si une telle culture existait, nous connaîtrions une succession de bien-être immédiats, nous serions satisfaits, dans un état dépourvu de sens, car nous n'éprouverions qu'une succession de présents.



C'est pourquoi les lobotomisés savent répéter des mots ou des phrases simples, et qu'il en est de même dans les cultures lobotomisées où les théories ne servent pas à penser, mais à réciter des phrases qui servent d'emblème au groupe: "l'exploitation de l'homme par l'homme... la forclusion du nom du père... l'homme est naturellement bon..." Cela ne veut pas dire que ces idées sont fausses, simplement elles n'énoncent plus une pensée. Elles servent à faire du lien en répétant la phrase du maître.



L'angoisse n'est digne d'éloges que lorsqu'elle est source de création. Elle nous pousse à lutter contre le vertige du vide en la remplissant de représentations. Elle devient source d'élan vers l'autre ou de recherche de contact sécurisant comme lors des étreintes anxieuses. La culpabilité ne nous invite au respect que lorsque la représentation du temps permet d'éprouver les fautes passées, de craindre les fautes à venir, afin de préserver le monde de l'autre et de ne pas lui nuire.



Quand le sentiment de vide provoqué par la représentation d'une absence n'est pas rempli par des créations agies, affectivées et mentalisées, l'angoisse se transforme en force inutile, en pulsion vers rien, comme une violence informe qui nous pousserait sur le bord d'une fenêtre. Quand l'homme coupable ne trouve pas autour de lui les structures affectives, sociales et culturelles qui lui permettent de transformer sa souffrance en surplus d'humanité, il ne lui reste que l'auto-agression... pour moins souffrir...

Plus le développement des individus les mène à l'empathie, plus l'intelligence collective invente des mondes virtuels et plus nous éprouvons le malheur des autres et l'angoisse de l'inconnu. Nous pouvons donc prévoir en toute certitude le développement mondial de l'angoisse et de la dépression.

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Dans notre culture occidentale, « le malheur est devenu une anomalie d'un bonheur naturalisé ». Tous les systèmes nerveux du monde sont équipés pour traiter l'opposition dans les couples attirance-fuite, bien-être-mal-être ou bonheur-malheur. Il n'y a pas de vie sans souffrance, et tout regard sur elle caractérise un discours social. Le Moyen Age nous racontait que le malheur sur terre, dans une vallée de larmes, nous permettait d'espérer le bonheur, ailleurs. Le XIX° siècle nous expliquait que le bonheur, ça se mérite et que les malchanceux sont à leur place, puisqu'ils ont échoué dans la conquête de cette faveur. Aujourd'hui, le discours qui légitime nos prouesses techniques nous demande de croire que le malheur est une maladie due à une chute de sérotonine.

[...]

L'occident, dans son discours industriel, diabolise ces produits naturels [peyotl, cannabis, vin, opium, les produits apportant du plaisir aux habitants du monde] et fabrique des produits analogues qu'il angélise en les appelant médicaments.

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Qu'est-ce que l'éthologie humaine?

Le programme de l'éthologie humaine.

L'éthologie humaine est l'étude biologique du comportement de l'homme. Avec Tinbergen, on peut résumer par quatre questions le programme de l'éthologie:

1/ Quels sont les facteurs qui, à l'extérieur comme à l'intérieur de l'organisme déterminent l'apparition d'un comportement à un moment et en un lieu donné?

2/ En quoi un comportement peut-il être considéré comme adapté: quels sont les effets bénéfiques de ce comportement pour l'organisme qui l'accomplit et pour sa descendance?

3/ Comment ce comportement a-t-il évolué: peut-on reconstituer les étapes qui, au cours de la phylogenèse, l'ont amené, par modification génétique et sélection naturelle, à son état actuel?

4/ Quelle en est l'ontogenèse: en quoi est-il le résultat de l'histoire de l'individu et de ses expériences antérieures; quels sont les changements qui se produisent dans les comportements de l'individu au cours de son développement? On voit que ces questions sont pertinentes quel que soit le comportement considéré et quel que soit l'organisme, animal ou humain, auteur de ce comportement.


I. -Psychologie animale, psychologie comparée, éthologie des animaux, éthologie de l'Homme

L'éthologie occupe une place particulière parmi les disciplines traitant du comportement des animaux et de l'Homme. La plupart d'entre-elles le font, en effet soit par intérêt pour la connaissance de ce comportement en elle-même, soit pour assimiler directement le comportement humain à celui des animaux et inversement ( en psychologie, on étudiera, par exemple, les parcours d'un rat dans un labyrinthe en vue d'établir les lois principales de l'apprentissage, valables tant pour le rat et les autres animaux que pour l'Homme), soit enfin pour y voir une simple analogie: les termites vivent en société et dans le fonctionnement de celles-ci, il est facile de retrouver des ressemblances avec celui de certaines sociétés humaines; toutefois, si les analogies sont suggestives, elles sont souvent trompeuses: la fourmi est laborieuse, mais que nous a-t-elle réellement appris sur le travail?

Depuis le XIXème siècle, l'étude du comportement animal s'est développée dans trois directions qui reflètent à chaque fois une manière particulière de concevoir les relations entre les animaux et l'Homme.

En premier lieu, la psychologie animale a commencé par recueillir des anecdotes sur les animaux qu'élève tout un chacun (chat, chien, oiseau, poisson, etc.), à classer celles-ci puis à comparer entre elles les activités de représentants d'espèces différentes. On en déduisit l'existence chez certains animaux de capacités analogues à celles de l'être humain, particulièrement dans le domaine de la connaissance. Par exemple, on supposera chez le chien des connaissances de géométrie du fait que, évitant tout détour, il prend le chemin le plus court dans ses déplacements entre deux points: il manifestera de la sorte qu'il "sait" que la corde sous-tendant un arc de cercle est plus courte que l'arc lui-même, ou bien on attribuera des connaissances de physique au castor qui construit un barrage. La démarche de cette psychologie va de l'homme à l'animla, en ce sens qu'elle tent à rendre compte des activités des animaux en leur attribuant des caractéristiques humaines.

Cette direction "anthropomorphique" s'est trouvée, dans un second temps, confrontée au problème posé par l'introspection, c'est-à-dire l'étude par l'individu lui-même de ce qu'il éprouve subjectivement.

Dans le cas de l'être humain, l'introspection seule ne suffit pas pour se convaincre qu'autrui éprouve la même chose que soi, il faut en plus découvrir un aspect de l'activité d'autrui qui permette de lui attribuer une conscience semblable à la sienne. N'en vat-il pas de même des animaux: seuls certains aspects de leurs activités nous permettent d'inférer qu'ils ont des expériences mentales? Dès lors, l'attention va se centrer sur les activités des animaux qui peuvent servir de support à de telles inférences. Certains, partisans d'une discontinuité entre l'animal et l'Homme, souligneront l'écart enter l'intelligence animale, limitée par les contraintes spatio-temporelles, et la pensée humaine, capable d'accéder à l'universel et à l'abstrait. D'autres, mettant au contraire l'accent sur la continuité entre l'animal et l'Homme, s'efforceront d'établir que les expériences mentales se trouvent, en fait, préfigurées dans celles des animaux, au moins des animaux dits supérieurs (singes anthropoïdes). Ce débat, amorcé il y a plus d'un siècle, reste d'actualité aujourd'hui.

Une deuxième direction est caractérisée par les recherches qui se sont développées, principalement aux Etats-Unis, en utilisant des animaux comme substituts d'êtres humains. Il s'agira là moins d'une psychologie animale que d'une psychologie "avec" des animaux.

Comme c'est le cas en médecine, on expérimente avec des animaux lorsque, pour des raisons d'ordre éthique ou pratique, il n'est pas possible de le faire avec des êtres humains. Dans cette perspective, innombrables sont les expériences de psychologie réalisées avec des pigeons, des souris, des rats, des chiens, des chats, des singes. Le postulat sous-jacent à cette expérimentation est celui d'une transposition possible à l'Homme des résultats obtenus avec des animaux.

Une troisième direction trouve son origine dans le débat sur l'instinct. La métaphysique cartésienne attribue à l'homme une âme immortelle, réduisant les animaux à des corps périssables, automates réglés par un Intelligence supérieure qui les avait créés. Les instincts n'étaient alors que le jeu des rouages de l'animal-machine. On peut trouver là une des origines du débat entre le mécanisme et le vitalisme. Schématiquement, pourle mécanicisme, les phénomènes vitaux sont réductibles à des processus physico-chimiques et les comportements sont considérés comme le résultat passif de l'action des facteurs agissant de l'extérieur sur l'organisme.

Pour le vitalisme, des forces internes dominent les actions des êtes vivants. Ainsi, pour rendre compte qu'un papillon se brûle à la flamme d'une bougie, on pourra, si on est mécaniciste, évoquer un tropisme: réaction d'orientation et d'approche, déclenchée par une source d'excitation (ici, la lumière de la flamme); si on est vitaliste, on fera appel à la curiosité ou l'intérêt du papillon pour cette flamme.

L'éthologie adoptera une position originale par rapport à ces trois formes de psychologie animale et de psychologie comparée, en mettant l'accent, é la suite de Darwin, sur l'idée d'évolution et sur la nécessité de prendre en compte les antécédants phylogénétiques du comportement. Si on admet que l'histoire de la terre début il y a aproximativement 4,5 milliards d'années, on peut ramener ces 4,5 milliards d'années à l'échelle d'une année, un seul jour représentant alors 12,3 millions d'années. Dans ce cas, le 1er janvier à 0 heure représente le début de l'histoire de la terre et le 31 décembre à minuit le moment que nous vivons actuellement. Si on considère l'ordre temporel de l'apparition des espèces, on peut dire que les premières traces de vie, avec les bactéries, se manifestent à peu près à la fin mars; les algues font leur apparition au mois de juillet; en novembre, apparaissent des êtres multicellulaires, fin novembre, les vertébrés, à la mi-décembre environ les mammifères, le 27 décembre, les primates, le 31 vers 17 heures, les pré-hominiens et vers 21 heures, l'Homme.

L'Australopithèque est apparu il y a trois millions d'années, L'Homo s. sapiens, il y a 80'000 ans. Que l'on doute ou non de la continuité entre l'animal et l'Homme, comment ne pas tenir compte du poids de cet énorme passé qui pèse sur les espèces animales vivant aujourd'hui et, a fortiori, sur l'Homme? En anatomie comparée, on tient compte des "restes historiques" quand on compare des ossements, pourquoi n'en irait-il pas de même quand il s'agit de comparer des comportements?

Dès leurs premiers travaux, les éthologues ont traité de l'Homme et développé une éthologie humaine conjointement à celle portant sur les animaux. En 1923 déjà, Lorenz écrivait: "Comprendre l'homme à partir des animaux, l'homme comme animal, a toujours été ce vers quoi j'ai tendu." De plus, de nombreux secteurs de la psychologie, en particulier psychologie sociale et en psychologie de l'enfant, recourent à des méthodes mises au point pour l'étude des conduites des animaux dans leur milieu naturel, sans toujours se référer explicitement à l'éthologie, ce qui a donné lieu à un savoir qui vient enrichir les connaissances en éthologie humaine.


II. -Ethologie, behaviorisme, sociobiologie


L'éthologie s'est développée en opposition d'abord à une psychologie "téléonomique" rendant compte des comportements à partir de concepts qualifiés de mentalistes comme l'intention, la volonté, le sentiment, concepts relatifs à des "événements privés" qui par eux-mêmes ne constituent pas une explication, mais ce qu'il y a lieu, précisément, d'expliquer. Elle s'est développée ensuite en réaction au béhaviorisme ou "psychologie du comportement", mouvement né vers 1910, dont Watson, aux Etats-Unis, et Piéron, en France, furent les initiateurs. Pour le béhaviorisme, l'objet de la psychologie est le comportement observable et non la conscience. Il affirme la continuité entre l'animal et l'Homme; les résultats des études portant sur des organismes inférieurs peuvent être généralisés et transposés au niveau des organismes supérieurs.

Dans cette perspective, le comportement des animaux, comme celui de l'Homme, est étudié esentiellement en laboratoire, seul à même d'offrir des conditions d'expérimentation rigoureuses et reproductibles. Ainsi, on n'étudiera pas dans la nature le retour au gîte d'un rat des champs, mais on placera ce rongeur dans un labyrinthe dont toutes les voies sont contrôlées; de même, on n'étudiera pas la mémoire chez des élèves en classe (situation où on ne peut contrôler les effets de la fatigue et de l'attention), mais on mettera dans des conditions standardisées des personne qui n'auront à mémoriser qu'une liste de syllabes dépourvues de signification.

C'est ainsi que d'innombrables travaux ont porté sur le comportement du rat de laboratoire, avant que, dans les années 50, on commence à analyser ce comportement dans des conditions moins restrictives (Calhoun). De même, en vue d'étudier les émotions des nourissons, on a observé en laboratoire sur des centaines d'entre eux, leurs réactions consécutives à l'immobilisation de la tête, alors que ce n'est que dans les années 50-60 que débutera l'étude systématique de ces émotions dans les relations de l'enfant avec sa mère.

Le béhaviorisme va essentiellement se centrer sur les liaisons entre stimuli et réponses qui résultent d'un apprentissage. L'éthologie, en revanche, va partir de l'étude des comportements spécifiques: comportements qui se rencontrent, identiques, chez tous les individus appartenant à la même espèce, comme c'est le cas pour la plupart des mouvements d'expression des oiseaux et des poissons. Ces comportements ne peuvent être observés que dans é'environnement naturel , celui dans lequel s'exercent les pressions sélectives que rencontre chaque groupe d'invidus. De plus, comment pourrait-on, dans le milieu artificiel et confiné d'un laboratoire, découvrir la signification biologique de tels comportements, leur sens par rapport à la survie de l'individu et de sa descendance?

Un effort considérable a été entrepris ces dernières années pour concilier les positions de l'éthologie et du béhaviorisme (e.a. Hinde). L'un et l'autre se réfèrent aux idées de Darwin sur l'évolution et la sélection naturelle: l'espèce humaine a évolué à partir de formes inférieures et les animaux sont dotés de vie mentale; celle-ci peut être analysée à travers leurs comportements manifestes.

Les perspectives initiales de l'éthologie se sont modifiées avec le développement de la sociobiologie ou biologie des phénomènes sociaux, courant issu des hypothèses d'Hamilton sur les fondements génétiques du comportement social (1964). La sociobiologie s'interroge particulièrement sur la valeur sélective des structures sociales. L'idée de Darwin était celle de la sélection des espèces à travers l'individu: dans des rapports concurrentiels, celui qui possède un caractère avantageux pour son adaptation à l'environnement où il se trouve a plus de chances de survivre que celui qui en est dépourvu. En fait, la sélection porte sur les caractères assurant, dans le milieu spécifique, l'équilibre optimal entre différentes façons de survivre pour les individus et leur descendance. Selon une métaphore bien connue, le caractère consistant, dans une ville, à "posséder une automobile" est avantageux (pour s'y déplacer" par rapport à celui d'être piéton, mais ce caractère cesse d'être avantageux dès lors que tous les habitants de la ville en sont porteurs; si tous possèdent une voiture, en effet, les embouteillages rendent alors les déplacement à pied plus avantageux.

La sélection, en l'occurence, conduit un rapport équilibré entre automobilistes et piétons. La difficulté de concevoir la sélection dans l'optique de Darwin tient à ce que sacrifier ses intérêts personnels au profit d'autrui apparaît contre nature; or, c'est souvent le cas chez beaucoup d'animaux (et chez l'Homme!): ceux-ci émettent des signaux avertissant leurs congénères de la présence d'un prédateur et attirent ainsi sur eux-même l'attention de ce dernier, ils construisent des nids et des abris, récoltent de la nourriture non pour leur propre profit mais pour celui de leur conjoint, de leur progéniture ou d'autres membres du groupe. Afin d'expliquer ce paradoxe apparent, la sociobiologie considère que la sélection naturelle s'applique non seulement à l'individu, mais aussi au groupe restreint que constitue sa parenté. Elle insiste sur le fait que l'évolution se situe au niveau des gènes, éléments des chromosomes responsables de la transmission et de l'expression des caractères héréditaires, susceptibles de déterminer tant des traits morphologiques que des fonctions corporelles ou des programmes de comportement. Dès lors, les comportements vont être envisagés en fonction de leurs conséquences possibles quand à la transmission des gènes de celui qui les manifeste et de sa parenté.

De ce point de vue, un comportement sera qualifié d'"égoïste" lorsqu'il favorise la transmission des gènes de celui qui l'accomplit et d'"altruiste" lorsqu'il favorise celui à qui il s'adresse aux dépends de celui qui le manifeste. Des comportements très différents, voire hétérogènes, peuvent relever de chacune de ces catégories: citons comme exemples de comportements altruistes, les conduites parentales proprement dites, comme protéger et alimenter la progéniture, mais aussi les cris d'alarme, la chasse en groupe, le partage de la nourriture; comme exemples de conduites égoïstes, la protection et la nutrition de soi-même.

La sociobiologie suit une démarche inverse de celle de l'éthologie: au lieu de partir d'observations empiriques, elle adopte un point de vue déductif, cherchant quelles conséquences peuvent être tirées d'une application de la théorie de l'évolution au niveau des gènes. Parmi les difficultés que soulève cette conception, en dehors même du caractère spéculatif de ses considérations sur la génétique des comportements et sur les interactions entre l'ensemble des gènes ou génome et le milieu, la première porte sur la manière de concevoir l'adaptation. Tous les membres d'une espèce vivent dans un environnement et le fait qu'ils y aient survécu jusqu'aujourd'hui monter qu'ils s'y sont adaptés. Se demander si le comportement d'un organisme lui permet de s'adapter à son milieu risque donc de conduire à une réponse pour le moins triviale, à savoir que tout être vivant qui existe aujourd'hui appartient à une espèce qui a survécu dans un milieu et qui s'y est donc adaptée. La question n'a de sens que si l'on considère deux espèces parentes A et B vivant dans le même milieu et dont tous les comportements sont identiques à l'exception d'un seul présent chez chacun de l'espèce A mais chez aucun membre de l'espèce B.

Si, toutes autres choses étant égales, les individus de l'espèce A et leurs descendants ont plus de chance de survie que ceux de l'espèce B, on pourra en conclure que grâce au comportement uniquement présent chez les individus de l'espèce A, cette espèce est mieux adaptée au milieu que l'espèce B. Par ailleurs, la sélection naturelle peut porter sur les caractères qui permettent à un organisme de s'ajuster continuellement aux variations de l'environnement sans, pour autant , accroître nécessairement ses chances de survie. De plus, la sélection peut porter sur des gènes responsables de l'accroissement du taux de fécondité sans améliorer ipso facto les conditions d'adaptation de cette dernière à son environnement.

Une deuxième difficulté tient à l'avantage apparent que représenteraient les comportements dits altruistes. En effet, assister un parent à ses dépens procure rarement un bénéfice (en terme de gènes favorisés) qui soit supérieur à celui qu'on obtiendrait en assurant sa propre survie; inversement, comme deux individus étrangers l'un à l'autre possèdent néanmoins une certaine quantité de gènes semblables, assister un étranger n'est jamais inutile pour la conservation de ses propres gènes. De manière générale, évoquer une détermination génétique des comportements ne permet pas de comprendre pourquoi tel comportement se manifeste à tel moment et en tel lieu, si ce n'est dans le cas, relativement exceptionnel, où un comportement peut être considéré comme une réaction automatique à un événement codé par le système génétique lui-même, comme lorsqu'un mécanisme inné de déclenchement est à l'oeuvre. Il est bien plus vraisemblable que beaucoup d'animaux, autant que l'Homme, disposent pour chaque situation d'un répertoire de réponses plutôt que d'une réponse unique. Cela ne contredit pas l'existence de toute programmation: on peut admettre aisément que les membres de l'espèce humaine possèdent, inscrits dans leur patrimoine génétique, des caractères essentiels comme la disposition à adopter la station debout, celle à apprendre un langage ou à entrer en relation avec autrui.

Les sociobiologistes sont conscients que leur conception nécessiterait , pour être validée dans le cas de l'Homme, que la génétique soit parvenue - elle en est encore loin - à déterminer l'héritabilité de traits culturels, à mesurer les différences génétiques interculturelles ainsi que le degré de pression sélective qu'exerce la culture sur les traits héritables (Wilson).

Dans l'adaptation de l'Homme à son milieu, les systèmes culturels, impliquant un foisonnement de réponses nouvelles et variables, jouent à l'évidence un rôle déterminant. Sans doute, l'évolution biologique qui a conduit à la formation de l'espèce, et l'évolution culturelle sont-elles indissociables, mais les traits culturels ne reposent pas sur des substrats équivalents aux gènes et les taux de survie et de fécondité des individus, dont dépend la sélection naturelle, n'influencent que peu ou prou la concurrence des groupes humains en conflit. Ce ne sont pas eux, par exemple, qui permettent de comprendre l'opposition de jadis entre les peuples afro-asiatiques et les puissances coloniales.

La sociobiologie se centre sur un ensemble limité de comportements sociaux: ceux dont l'issue est prévisible est d'assurer la survie à la descendance de l'individu. On en voit immédiatement la difficulté: la vie sociale des animaux et, a fortiori, celle de l'Homme, introduit de nombreux niveaux intermédiaires entre les conséquences à court terme des comportements et leur incidence à long terme sur la survie de celui qui les accomplit ou sur celle de sa descendance. Il est heureusement rare qu'agir de telle ou telle façon soit une question de vie ou de mort, pour soi-même et pour la propagation de ses gènes.


III. - Les méthodes en éthologie humaine


La méthode privilégiée de l'éthologie est l'observation. A la différence du psychologue qui, lorsqu'il observe, s'attend généralement à ce qu'il va voir - l'élève qui fait signe au professeur avant de poser une question, l'enfant qui déplace un cube dans sa construction, le rat qui appuie sur un levier, etc. -, l'éthologue pratique l'"observation flottante", analogue à l'"attention flottante" du psychanaliste à l'écoute de son patient (Cosnier): il s'efforce de rester constamment disposé à voir ce à quoi il ne s'attendait pas. Cette démarche a sa rigueur et n'exclut pas le recours à des mesures quantitatives. Comme dans toute science, on tente de parvenir à une représentation formalisée des phénomènes. Au préalable toutefois, plusieurs problèmes doivent être résolus:

1. Les niveaux d'observation et la réalisation d'éthogrammes.

- Lorsqu'on observe un animal ou une personne en train d'agir et qu'on veut analyser ce qu'elle fait, une première question concerne le choix de l'unité pertinente pour cette analyse. De quelqu'un occupé à se nourrir, on peut dire simplement qu'il prend un repas. Cette description suffit pour celui qui, tel l'anthropologue, va s'intéresser à la composition du menu, au nombre et à la qualité des convives, aux relations entre l'alimentation et d'autres événements de la vie sociale. L'éthologie va pousser plus loin l'analyse des comportements impliqués par le repas: celui de manger, sans doute, mais aussi se servir, couper ses aliments, boire, parler si l'on est en compagnie. Cette description est nécessaire pour comprendre, par exemple, ce qui distingue le repas pris par un enfant de celui pris par un adulte, seul ou en groupe, en famille ou avec ses collègues. D'un autre côté, ce niveau d'analyse ne suffira pas au physiologiste qui, pour identifier les composants neurophysiologiques du comportement, traitera de la mastication, de la déglutition, des mouvements de la langue dans la bouche. On voit donc que les observations d'un comportement peuvent se situer à des niveaux différents.

Le comportement manifeste une organisation hiérarchique, allant des composantes élémentaires, comme les contractions musculaires, à différents degrés de globalité (manger, prendre un repas). Le choix d'un niveau d'analyse dépend des problèmes posés. L'éthologie privilégie souvent un niveau qu'on peu t qualifier d'intermédiaire: elle considère que des catégories comme "repas", "agression" ou "maternage" sont trop globales et recouvrent des ensembles hétérogènes de comportements, mais elle renonce à une description en terme de mouvements élémentaires, inadéquate dans une étude des relations fonctionnelles entre le comportement, ses antécédents et ses conséquences.

Les méthodes de l'éthologie se distinguent de celles adoptées la plupart du temps en psychologie: l'éthologie privilégie les mesures directes de comportements manifestés habituellement par l'individu. Les mesures directes s'opposent aux données inférées: ainsi, pour savoir si un enfant est "agressif", plutôt que de faire passer un questionnaire à ses éducateurs, on préférera noter le nombre de conflits auquel il participe ou la proportion de coups qui ont occasionné des pleurs et la fuite de ses adversaires. En règle générale, les comportements pris en compte seront ceux observés dans le milieu où l'enfant a l'habitude de vivre, et non en réactions suscitées artificiellement en laboratoire.

Dans cette perspective, l'éthologie humaine s'est donné pour tâche d'établir le répertoire des comportements humains - l'éthogramme - à l'instar de ce qui se fait pour les espèces animales. Dans les années 70 ont été publiés plusieurs de ces répertoires, devant servir d'instruments de travail pour l'observation de l'espèce humaine. Ces listes, plus ou moins détaillées, comportent généralement une centaine d'unités telles que marcher, se frotter les yeux, jeter un objet, etc.; en fait, elles concernent principalement les enfants de trois à cinq ans. Ces outils ne sont pas entièrement satisfaisants: il existe sans doute, en effet, des obstacles fondamentaux à l'établissement d'un éthogramme de l'espèce humaine.

Un premier problème vient de la multiplicité des critères utilisés dans la définition des unités comportementales; ces critères sont tantôt fonctionnels, tantôt morphologiques. Un critère fonctionnel définit une unité comportementale à partir du but atteint par un comportement. La définition basée sur un tel critère est commode lorsqu'on a affaire à des mouvements complexes qui sont suivis d'une conséquence univoque, comme le don d'un objet aboutissant au transfert de propriété, le cri d'alarme suscitant la fuite des congénères. On peut alors soit regrouper des comportements de formes très diverses, soit distinguer des mouvements identiques selon qu'ils s'adressent ou non à un membre de l'espèce, ou bien selon les caractéristiques du destinataire: son âge, son sexe, son statu social. La difficulté est que souvent, le comportement sert potentiellement différentes fonctions ou que sa fonction est inconnue: il faut alors le décrire en se référent non à sa fonction, mais à sa morphologie, tel qu'il apparaît: bâiller, se gratter les cheveux, etc. Le problème est alors de déterminer l'étendue de variation d'une unité comportementale: quand faut-il regrouper, quand faut-il séparer des mouvements semblables quoique distincts? Combien de sourires le répertoire doit-il comporter: un seul, trois (sourire fermé, sourire ouvert, sourire ne laissant voir que les dents de la machoire supérieure) ou bien neuf, comme le proposent certains? Une difficulté particulière surgit à propos de comportements qui se manifestent dans la durée, plutôt que de façon quasi instantanée. Un regard appuyé n'a pas la même signification qu'un bref coup d'oeil. Comment tenir compte de ce paramètre temporel qui varie de manière continue, dans la définition d'unités discrètes? De même, certains comportements se présentent sous la forme d'une répétition de mouvements semblables: dans ce cas, faut-il considérer l'ensemble de l'épisode où cette répétition s'est produite, marqué par un début et une fin, ou la succession des mouvement durant cet épisode? Il apparaît ainsi que le flux continu du comportement peut-êtere segmenté de diverses façons en unités élémentaires. L'existence d'une hiérarchie de niveaux autorise, comme on l'a vu, différents découpages d'une même réalité, selon que l'on s'intéresse aux aspects élémentaires ou aux aspects globaux de la conduite. Mais à un même niveau donné, différentes catégories peuvent encore être définies, en fonction des critères établis pour l'analyse. Enfin, notons que l'objectivité dans les observateurs doit être garantie par un accord entre plusieurs observateurs

Face à ces difficultés, il serait illusoire de croire qu'il existe un répertoire unique des comportements auquel on puisse valablement se référer une fois pour toutes dans l'examen des questions soulevées en éthologie humaine. La façon dont sont définis les comportement étudiés, le choix des techniques d'échantillonage et des mesures qui en découlent dépendent du problème posé. Néanmoins, établir une liste de comportements directement observables constitue le préalable de toute analyse éthologique, qu'il s'agisse d'observations ou d'expérimentations.

Il apparaît parfois souhaitable de réduire la taille du répertoire utilisé en sélectionnant des comportements représentatifs. En outre, le regroupement de plusieurs comportements en ensembles significatifs permet de comprendre comment le répertoire est organisé. Deux postulats sont sous-jacents à de tels regroupements. Selon le premier, on admettre que les comportements qui appartiennent à un même ensemble auront tendance à varier de la même façon entre les individus; selon le second, on considère que ces comportements tendent à se suivre dans le temps. On pourra ainsi, par exemple, regrouper les activités des enfants d'âge pré-scolaire en un ensemble de comportements agressifs, un autre ensemble constituant le jeu des "courses et culbutes",etc.

2. L'analyse du répertoire.

- L'analyse éthologique du comportement procède généralement en plusieurs étapes. La phase préliminaire de familiarisation avec le groupe étudié est suivie d'observations systématiques ou de manipulations expérimentales, auxquelles succèdent des procédures de vérification.

De nombreuses questions ne se prêtent pas aisément à l'analyse expérimentale, quand, pour des raisons techniques ou éthiques, on ne peut intervenir sur les variations dont on suspecte l'influence. En pareil cas, on peut néanmoins soit comparer différents sujets dans la même situation, soit comparer les mêmes sujets dans des situations différentes: on supposera que les différences éventuellement observées dépendent d'une caractéristique particulière soit de ces sujets, soit de ces situations. Par exemple, est-ce que l'enfant qui joue seul regarde plus souvent les adultes présents que celui qui joue avec un autre enfant du même âge? L'observation des comportements de différents enfants dans différentes situations permet de répondre à ce type de question.

Une difficulté méthodologique particulière tient à l'organisation temporelle des comportements. Ceux-ci ne se répartissent pas toujours uniformément au cours d'une même période d'observation. Est-il plus fréquent au début ou à la fin? Apparaît-il de manière périodique? Enfin, des outils statistiques permettent d'étudier les coocurences entre comportements: observe-t-on plus de regards du bébé vers sa mère lorsqu'elle lui parle que si celle-ci reste silencieuse? De la même façon, on s'intéresse à a la succession des conduites vers un même individu ou chez deux individus en interaction.

Le développement considérable par l'éthologie des méthodes d'observation et d'analyse quantitative des données ainsi recueillies n'exclut pas, bien au contraire, le recours à la méthode expérimentale. De ce point de vue, l'éthologie ne se distingue pas de la psychologie expérimentale; son originalité, en revanche, est de considérer qu'on ne peut soumettre à l'analyse expérimentale des hypothèses dont la pertinence n'ait point préalablement été établie sur le terrain.

3. La recherche d'universaux.

- En vue de découvrir des structures innées chez l'Homme, certains éthologues comparent les comportements - en particulier, les comportements sociaux - d'individus appartenant à des cultures différentes et supposent que si ces comportements apparaissent identiques, c'est qu'ils reposent sur un même "programme génétique". Certains rituels de salutation constitueraient des universaux: ils seraient, chez tous les humains, caractérisés par un mouvement particulier des sourcils, lesquels s'élèvent pendant un sixième de seconde environ, associé à un hochement de tête et à un sourire (Eibl-Eibesfeldt). De tels "universaux" sont toutefois relatifs au nombre nécessairement limité de groupes culturels dans lesquels ils ont été observés. Les observations montrent qu'il est presque toujours des exceptions à ce qu'on pense être universel. Ainsi, dans beaucoup de cultures, le froncement de sourcils est interprété comme signe de dominance (par exemple, dans les rapports patron-employé), tandis que l'élévation des sourcils ainsi que le sourire bouche ouverte, sont associés à la soumission. Ces derniers gestes pouvant vraisemblablement exercer une fonction d'apaisement. Dans une recherche portant sur onze groupes culturels différents (deux Nord-Américain, trois Européens, deux Sud-Américains, deux Chinois, un Asiatique et un groupe de Chinois vivant à New-york), Keating trouva que l'abaissement des sourcils n'est perçu comme expression de dominance qu'aux Etats-Unis, en Europe et au Brésil. En pareil cas, certains parlent de "quasi-universaux", expression qui n'a guère de sens si on se réfère à une programmation génétique propre à l'espèce humaine, sauf si on admet que la culture a modifié ce qui était programmé dans le génome, mais jusqu'ici on ne dispose à ce sujet d'aucune démonstration satisfaisante. On ne peut oublier que les anthropologues ont depuis longtemps montré que les façons dont les Hommes se servent de leur corps varie de société en société (Mauss). Les universaux peuvent en outre, déceler simplement une communauté culturelle entre groupes différents: si dans le monde entier on portait un chapeau et qu'on le soulevait pour saluer, un tel geste constituerait un rituel universel (dans lequel on peut déceler, avec Lorenz, une analogie avec le comportement du loup ou du chien, lesquels, face à un adversaire plus fort qu'eux, lui présentent une partie vulnérable de leur corps, comme le cou); il ne serait pas pour autant programmé génétiquement. De plus, des individus d'origines très différentes peuvent rapidement assimiler des pratiques d'une culture autre que la leur: un éthologue qui se placerait à l'entrée de la basilique Saint-Pierre à Rome y observerait des gens de toutes les races et de tous les continents faire le signe de la croix, sans qu'il puisse en conclure que ce geste est universel, ni, a fortiori, déterminé génétiquement.

a contrario, la recherche d'universaux dans le comportement en vue d'établir le déterminisme génétique de ces derniers ne peut perdre de vue qu'il pourrait exister des traits biologiques différents d'un groupe ethnique à l'autre tout en étant programmé génétiquement, soit que ces groupes aient subi dew pressions sélectives différentes, soit que les cultures aient sélectionné certains traits particuliers, soit enfin queles limites apportées au mariage entre ces groupes empêche la diffusion de ces traits.

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Livres écrits par B.Cyrulnik

Boris Cyrulnik, neurologue, psychiatre et psychanalyste a été l'un des fondateurs du Groupe d'éthologie humaine. Il est l'auteur d'ouvrages tels que: Mémoire de singe et paroles d'hommes, Sous le signe du lien, Les nourritures affectives, Le visage sens et contresens, et De la parole comme d'une molécule (Essai).

Voici la brève présentation des sujets et interrogations posés dans ces quelques délicieux ouvrages:

Sous le signe du lien:

A la lumière de ses études éthologiques, qui cherchent à observer le comportement des êtres vivant dans leur milieu naturel, Boris Cyrulnik jette un regard nouveau sur le comportement amoureux des humains.

La compréhension du monde animal et la biologie le conduisent à livrer de nouvelles interprétations sur les liens naturels qui unissent une famille. On découvre ainsi que l'histoire affective du bébé commence bien avant sa naissance; la force des liens bébé-père-mère pèse sur l'individu dèa la formation de la cellule embryonnaire et l'influence toute sa vie durant.

Boris Cyrulnik nous offre ici la première histoire naturelle de l'attachement.

La naissance du sens

Une approche de la question de l'animalité de l'homme, qui hante les sciences humaines et sociales depuis trente ans.Une problématique qui récuse la socio-biologie, le matérialisme biologique, mais aussi le dualisme âme-corps cher à bien des philosophes.

Des vues originales et toutes nouvelles sur la psychologie de l'enfant, qui permettent de reformuler compèlètement la question du rapport ente l'inné et l'acquis.

Une contribution nouvelle sur la question de l'inceste, débattue tant en anthropologie que dans les écoles psychanalytiques.

Mémoire de singe et paroles d'homme

Les animaux nous posent des questions si déroutantes qu'ils nous obligent à remettre en cause nos plus belles certitudes.

Ils nous expliquent comment notre histoire s'articule à notre biologie; comment notre équipement génétique participe à nos constructions sociales.

L'observation de leur comportement et l'étude de leur "psychologie" permettent de mieux appréhender l'animalité qui est en nous, mais aussi, du même coup, de souligner l'importance de la dimension humaine.


Les nourritures affectives

Pourquoi et comment tombons-nous amoureux? A quoi rêvent les foetus? A qui appartient l'enfant? La violence est-elle nécessaire? Pourquoi dit-on des personnes âgées qu'elles retombent en enfance? A quoi servent les rituels?

Voilà quelques unes des questions abordées par Boris Cyrulnik dans ce livre qui examine, depuis le stade foetal jusqu'à la vieillesse, les pathologies affectives à l'orogine des maux les plus flagrants de nos sociétés: violence, racisme, délinquence, agressios sexuelles, etc.

Boris Cyrulnik, qui anime un groupe de recherche en éthologie à l'hôpital de Toulon-La-Seyne, a soigné des êtres humains, mais il a aussi observé le comportement des animaux. Cela lui permet d'avancer des explications nouvelles et originales de nos troubles relationnels.

L'ensorcellement du monde

Vivre, selon Boris Cyrulnik, c'est être fasciné, ensorcelé, possédé par les autres. En s'appuyant sur des exemples très concrets, il retrace minutieusement la généalogie du monde humain. Il analyse l'hypnose, cette fascination que nous exerçons sur les autres ou les autres sur nous; le leurre, cet objet qui sature notre sensorialité, et épuise nos désirs; l'empathie, cette capacité que nous avons de nous mettre à la place de l'autre; la bouche, ce lieu d'interpénétration de l'extérieur et de l'intérieur où s'articulent les sons créateurs d'un monde symbolique; le signe enfin, qui engendre un monde proprement humain, dédoublé en un en-deça des sensations et des perceptions et un au-delà des croyances et des représentations.

L'enjeu de ce livre est de comprendre notre place dans le vivant, comment nous en procédons et comment nous en émergeons.

"L'homme est le seul animal capable d'échapper à la condition animale."

Le visage, sens et contresens

Pourquoi les méduses n'ont-elles pas de visage? pourquoi les chiens manifestent-ils des signes d'inquiétude quand on les place face à un miroir?

Le fait qu'un chimpanzé explore sa bouche ou son dos avec un miroir de poche est-il un indice de sa conscience de soi? Comme l'enfant qui jubile face au miroir?

Lorsque l'enfant, malade dans sa personne, trouble ses mimiques faciales, il trouble ses relations. Quand son histoire est troublée, l'enfant trouble ses expressions. Quand sa génétique ou son cerveau sont altérés, l'enfant a du mal à se socialiser, comme l'homme à la gueule cassée.

Le visage concentre l'essentiel des canaux de communication humains. C'est lui qui fonde le co-texte de nos textes paroliers, c'est lui qui participe à nos contagions émotives, c'est lui qui porte nos marques sociales, joue ainsi un rôle capital dans nos conversations, nos mensonges, nos sexualisations et nos socialisations.

Visage et génétique, cerveau, miroir chez l'animal, mimiques faciales normales ou troublées, visage et religion, peinture et racisme...Le visage exprime en représentations imagées ce que la parole exprime en représentations sonores.


De la parole comme d'une molécule

Appliquer à l'homme des méthodes d'étude jusque-là réservées aux grands singes, mettre l'accent sur la relation affective entre individus plutôt que sur la psychologie individuelle, faire parler le corps, grand oublié de la psychanalyse...Boris Cyrulnik se joue des frontières entre disciplines scientifiques. Avec sa "philosophie du troisième ligne" - joueur de rugby n'excellant dans aucun compartiment du jeu, mais indispensable à la cohérence de l'équipe - il mène ses travaux d'éthologie humaine loin des grands courants de recherche actuels, vers une biologie de l'affect attentive aux signes du corps et aux pouvoirs de la parole: une parole nécessaire pour soulager les souffrances humaines, par l'effet moléculaire de toute expression des émotions.

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Quelques Extraits

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